Chercher à tout prix à transformer des défaites sur le rectangle vert en victoires sur le tapis est devenu un réel danger pour la crédibilité des compétitions et la primauté du résultat sur terrain.
Apparemment, il est écrit que le torchon ne cessera pas de brûler entre le Croissant Sportif Chebbien et la Fédération tunisienne de football. Ce club , qui s’estime lésé par la décision du Bureau de la Ligue nationale de football professionnel de rejeter son évocation concernant « la présence du président du Club Africain Youssef El Almi , alors qu’il était sous le coup d’une sanction (suspension à titre préventif ) , sur l’aire de jeu et dans ses abords immédiats (main courante et banc de touche) lors du match CA/CSChebba «et de refuser sa demande du gain de son match perdu par pénalité, organise aujourd’hui une conférence de presse pour protester contre ce qu’il considère comme «une infraction grave aux lois régissant le bon déroulement du championnat, portant atteinte à sa crédibilité.» Il brandit même la menace d’aller une nouvelle fois au Tribunal Arbitral du Sport à Lausanne si la Commission nationale d’appel de la FTF valide le verdict de la Ligue. C’est un droit que personne ne lui conteste, mais force est de se demander si c’est la manière la plus sage de vouloir changer le cours d’un destin (rétrogradation en Ligue2) scellé par une défaite sans ambiguïté et incontestable sur le terrain. Certes , ce n’est pas sa faute si l’article 45 du Code disciplinaire de la FTF stipule que « le club dont l’un de ses dirigeants sous le coup d’une suspension à titre préventif ou définitif est présent dans l’aire de jeu et ses abords ( main courante et banc de touche ) lors d’un match, perd ce match par pénalité ainsi qu’une amende de 2000 dinars en cas d’évocation. «Mais c’est sa faute si il n’a pas su en faire le constat» par une réclamation en bonne et due forme et séance tenante sur le terrain auprès de l’arbitre, du coordinateur général ou commissaire de match «comme l’exige le dernier paragraphe de l’article 48 du même Code disciplinaire. Comme on peut perdre un match sur un détail technique dans le jeu , on peut perdre aussi une bataille juridique sur un détail réglementaire. C’est de bonne guerre. Le Croissant Sportif Chebbien ne peut pas arguer non plus que la Commission de discipline et de fair-play lui a enlevé le tapis sous les pieds en auditionnant le président du Club Africain après l’évocation formulée et en lui infligeant une sanction conforme au barème disciplinaire de deux matches d’interdiction de banc et d’une amende de 5000 dinars. Les deux matches ont été purgés avant la rencontre contre le CSChebba ( article 31 ) et « la sanction financière non payée n’est pas considérée du point de vue forme comme un cas d’évocation» (article 45) . Ceux qui se sont précipités de se dire pourquoi cette décision de la Commission de discipline et de fair-play n’a pas été prise bien avant et de tirer à boulets rouges sur le secrétaire général de la FTF, dont Wadie Jary ne fera jamais un bouc émissaire pour étouffer l’affaire, ne connaissent pas que le temps mis dans cette procédure ordinaire s’explique par le nombre important et même volumineux de cas soumis et d’affaires de ce genre.
L’obsession du résultat à tout prix
Car s’il y a un phénomène et un mal qui est en train de ronger notre football, c’est cette obsession de vouloir gagner sur le tapis à tout prix avec un flux de réserves et d’évocations fondées ou sans fondement et tout un bataillon d’avocats au chômage qui se jettent sur des proies faciles pour se faire une réputation, redorer leur blason et renflouer leurs comptes bancaires. Le cas du match CA/CSChebba n’est qu’un échantillon. Dans les championnats amateurs, ce phénomène est non seulement fréquent mais dévastateur. Il n’y a que chez nous que ce commerce bat son plein et qu’un match gagné sur terrain est perdu sur le tapis, non pas à cause de joueurs suspendus participant à un match et faussant son résultat, mais du fait de la présence d’un dirigeant sous le coup d’une sanction disciplinaire dans les abords de l’aire du jeu.
C’est tellement devenu absurde et insensé qu’il est devenu urgent pour le bureau fédéral, qui a le monopole de législateur en matière disciplinaire, d’amender tous ces textes abusifs, néfastes à l’esprit du jeu et d’inventer rapidement autre chose en matière de sanctions, distinguant entre les acteurs à l’intérieur du rectangle vert et les dirigeants qui en sont à l’extérieur. Le score d’un match , même avec des bévues qui sont parfois monumentales des arbitres principaux et même de ceux de la chambre du VAR qui font partie du jeu, n’est jamais remis en question et changé par une décision administrative liée à une infraction commise par un dirigeant administratif qu’on peut mettre sur la liste rouge avec interdiction d’accès au stade durant la période de sanction et auquel on peut infliger des amendes plus lourdes et assez dissuasives avec obligation de s’en acquitter dès la notification de la sanction sans que l’appel ne soit suspensif. Il est grand temps d’en finir avec ce genre d’affaires qui ne font que mettre de l’huile sur le feu et envenimer le paysage sportif. Pour que chaque club assume son bilan négatif, ait le courage d’en porter la responsabilité, de faire son mea-culpa et n’essaie pas de chercher refuge dans les failles et les imperfections des textes réglementaires pour transformer son échec au niveau des résultats par une victoire sans saveur ni valeur dans les coulisses .